Dans le métro, deux hommes assis côte à côte. Ils ne se sont pas installés en même temps, ils ne se connaissent pas.

L'homme de gauche regarde celui de droite pianoter sur son téléphone. Téléphone dernier cri j'imagine, à en juger par la largeur impressionnante de son écran, et puisque l'homme pianote directement sur l'écran. [Nous désignerons désormais les deux hommes par Gérard et Didier, peu importe que ces prénoms ne correspondent pas à leur âge.]

Gérard se plonge dans un roman. Didier pianote et pianote encore.

Gérard ferme son roman, il sort de son sac une bouteille de lait-aromatisé-qui-donne-l'air-jeune. Il amorce un mouvement de rotation du bouchon. Mais cesse son geste en plein vol, lorgnant pendant l'action sur le téléphone de son voisin. Il ne peut plus résister, il faut qu'il sache...

« Mais dis-moi, tu captes vraiment dans le métro ? [le métro est un endroit préservé des sonneries polyphoniques et des hurleurs de banalités]
– Heu je sais pas, je me servais pas du réseau là. »
(il essaie)
« Ah non. »
Gérard ne peut contenir son sourire, ravi de voir que finalement son téléphone n'est pas si ridicule face à celui-ci. Il répond : « Heureusement hein, ça fait un moment de répit comme ça, sinon on passerait vraiment toute notre vie dessus, déjà qu'à la maison on n'arrive pas à s'en décrocher ! »

C'est triste qu'un téléphone portable puisse revêtir tant d'importance, non ?



(*) Notez ce phénomène d'identification aux objets, qui pousse à dire « je capte » ou « je me gare », au lieu de « mon téléphone capte » / « je gare ma voiture »