Je sors de chez moi pour aller au travail. D'habitude (sauf les mercredis), dans la rue à côté, devant une école un agent de police de sexe féminin assure la sécurité des enfants qui traversent la rue, face à tous ces automobilistes fous qui ne respectent pas la couleur verte du piéton lumineux. Elle n'était pas là ce matin.

Je m'approche de l'escalier menant au métro. D'habitude je me fais harceler par pas moins de trois personnes qui empêchent les gens de passer en insistant pour donner des journaux gratuits qui finissent de toute façon très rapidement en pagaille dans les poubelles mais tellement dépourvus de véritables informations. Ce matin personne pour me barrer le passage.

D'habitude il s'écoule au maximum deux minutes avant qu'une rame de métro arrive. Ce matin j'ai attendu une dizaine de minutes. Comme si c'était un dimanche.

Puis je remonte au niveau du sol sur une grande place où se croisent deux lignes de métro et une ligne de tramway, où d'habitude des marées humaines traversent la route alors que le piéton lumineux est rouge et que des voitures s'approchent à grande vitesse. Ce matin pas de marées. Et pas de voitures non plus...

Je marche un moment, je ne croise pas grand monde, et aucun de ces gens pressés qu'il y a d'habitude. Ni des hommes portant cravate et sacoche, ni des femmes avec des talons pointus qui font clic-clic. Je croise juste quelques coureurs en tenue de sport, une dame agée qui promène son chien, des enfants qui jouent.

Un pont, vous dites ? Ah oui, cette tradition française qui rend le mois de mai pas très productif. Oui ben ça va je sais, d'ailleurs le bâtiment où je travaille d'habitude est fermé pour tous les ponts et je suis contrainte d'aller travailler ailleurs. Trois semaines de suite où les employés n'auront travaillé que trois jours (moi je suis prestataire), alors que pourtant c'est du privé-bien-accroché-à-la-productivité. Je ne m'attendais pas à ce que tant de gens fassent le pont, à tel point qu'on se croirait dimanche.